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IXème Colloque international de l’Ophris - Montpellier 2021

 « L’inclusion scolaire à la première personne ». Expérience(s), prise de parole et éthique de la différence.

 

A l’échelle européenne mais aussi internationale, le principe de l’éducation inclusive (inclusive education) est progressivement devenu, à partir du tournant des années 1990 et 2000, la référence des politiques publiques d’éducation, en fondant le droit de tous les enfants, adolescents et jeunes adultes, et particulièrement ceux reconnus handicapés ou dits à besoins éducatifs particuliers, à bénéficier d’une scolarisation, d’une formation et d’une insertion en milieu ordinaire. En France, le terme d’inclusion scolaire s’est ainsi substitué à l’expression d’intégration scolaire dans les discours institutionnel, politique et scientifique. Nouvel « horizon anthropologique » (Cantelli & Genard, 2008) des politiques publiques d’éducation, l’objectif d’inclusion sociale représente un véritable défi démocratique pour les sociétés qui l’ont adopté. Il s’agit en effet de renverser le processus de normalisation et de passer d’un modèle d’intégration réadaptatif, essentiellement fondé sur la normalisation des individus, au « modèle d’accessibilisation des milieux de vie tels que l’école, l’entreprise, la cité » (Sanchez, 2000). Si l’on peut considérer que nombre de transformations positives ont suivi cette dynamique, l’ambition inclusive qui porte le projet d’une école pour tous dans une société inclusive soulève également de nombreuses questions quant à sa mise en œuvre concrète dans les pratiques professionnelles. 

Pour la neuvième édition de son colloque international, l’Ophris entend situer ses travaux, analyses et réflexions autour de l’inclusion scolaire en tant que processus vécu subjectivement par tous les acteurs, et notamment rapporté dans un discours à la première personne, au sens des en-(je)ux dont parle Christian Alin (2018) et du sujet. Il s’agira d’examiner, dans une perspective interdisciplinaire, en quoi les politiques publiques d’inclusion scolaire produisent des effets de subjectivation et d’inter-subjectivation sur celles et ceux auxquels elles sont dédiées en mettant l’accent sur l’analyse de l’expérience personnelle quotidienne des destinataires de ces politiques publiques. Dans quelle mesure les discours (savants et/ou institutionnels) déterminent-ils en effet les façons de faire des acteurs et les raisons pour lesquelles ils agissent ? C’est à travers eux que se construisent l’identité des personnes et les significations des objets ; ils orientent les pratiques et structurent les référentiels de pensée et d’action, alors même qu’ils ne sont pas exempts d’ambiguïté (Burrows, 2012 ; Corcini Lopes et Da Silva Thoma, 2014). L’intérêt d’une approche de l’action publique en termes de réception (Warin, 1998) conduit, d’une part, à envisager les conséquences des politiques publiques à partir de leurs effets en tant qu’elles affectent les individus. Et, d’autre part, du point de vue des usages que font les acteurs de ces politiquesau sens où la manière dont ils s’approprient les dispositifs dans lesquels s’inscrivent institutionnellement leurs missions témoigne de leur pouvoir d’agir et de leur relative autonomie au regard de l’élaboration de la « réalité inclusive » dans laquelle se trouvent les élèves (Laidi, 2018). Les réflexions et analyses des chercheurs, formateurs, enseignants, associatifs, et témoins (élèves, parents…) qui tenteront de donner corps à la problématique de ce colloque s’articuleront autour de trois axes majeurs.

Le premier axe s’articule autour de la question de l’expérience et du pouvoir d’agir (empowerment) des acteurs engagés dans le processus inclusif. Si l’expérience peut être considérée comme la manière dont les acteurs se constituent eux-mêmes, construisent un jeu d’identité, de pratiques et de significations (Dubet, 1996), il s’agira d’examiner ce qui marque et façonne profondément leur subjectivité, dans les actes ordinaires, dans la manière d’être vis-à-vis de soi, des autres et du monde (Fassin, 2004). Comment la politique publique d’inclusion en train de se faire dans laquelle les individus sont pris les transforme-t-elle ? Dans quelle mesure influe-t-elle sur la constitution par les acteurs enseignants de l’inclusion des éléments de leur « épistémologie pratique » (Sensevy, 2007) ? De façon complémentaire, il s’agira de rendre compte et d’analyser la façon dont ces mêmes acteurs donnent sens à ce qu’ils vivent, de même que la manière dont ils élaborent subjectivement le monde qu’ils vivent. Deux dimensions en constante tension seront ainsi interrogées pour tenter de rendre compte de l’expérience ordinaire de celles et ceux qui vivent, disent et agissent le processus d’inclusion scolaire à la première personne : celles des contraintes et des forces structurelles/institutionnelles qui pèsent sur les individus et celle de l’agentivité, des possibles latéraux et de la puissance d’agir des acteurs qui s’adaptent à leur environnement autant qu’ils le modifient sans cesse. En d’autres mots, pour reprendre un terme cher à Norbert Elias, il s’agira de se montrer attentif aux configurations, comprises comme un système de tensions en équilibre, générées par la mise en actes des politiques publiques d’inclusion.

Le deuxième axe, intimement liée au premier, s’intéressera à la question de la prise de parole et plus particulièrement de l’expression et de l’audibilité de la voix de celles et ceux qui sont au premier chef concernés par la transformation des systèmes éducatifs inhérente à l’objectif d’inclusion scolaire et sociale. Les politiques publiques manifestent en effet de plus en plus la volonté de placer les personnes désignées handicapées au centre des décisions qui les concernent dans le but de promouvoir leur capacité d’agir et leur autonomie décisionnelle. La place accordée à la personne et à son consentement est ainsi devenue l’une des préoccupations essentielles du législateur. A cet égard la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ONU, 2006) met l’accent sur la reconnaissance des capacités et la prise en compte de la parole des personnes désignées handicapées. Les modalités, les formes et les enjeux des prises de parole sur et à travers les politiques publiques d’inclusion scolaire seront le centre des questionnements de cet axe. Quelles sont (peuvent-être) les conditions de possibilité et dispositifs qui permettent et favorisent la prise de parole des personnes désignées handicapées ? Il s’agit d’examiner les conditions de recueil et de crédibilité de leur parole d’autant plus difficile d’accès, tant pour le chercheur que pour le professionnel, au regard des dispositifs qui souvent en déterminent les conditions d’énonciation et de réception (Lansade, 2018). Quels sont les supports et les formes qui permettent les médiations privilégiées d’expression de cette parole. A contrario, quels sont les obstacles, les freins qui peuvent conduire à rendre les voix inaudibles ? Les dispositifs méthodologiques mis en place jouent-ils un rôle d’émancipation, rendent-ils les voix audibles ou participent-ils d’une forme de captation symbolique et de « remise de soi » que nombre de chercheurs, professionnels et porte-parole entendent dénoncer. Quels effets en retour produisent les prises de parole sur celles et ceux qui prennent la parole, mais aussi sur celles et ceux qui contribuent à les rendre visible et audible et plus largement sur celles et ceux qui participent à la conception et à la mise en acte des politiques publiques d’inclusion scolaire.

Le troisième axe, qui croise les deux précédents, est attaché au problème de la philosophie et plus particulièrement de l’éthique de la différence (Queiroz et Tedesco, 2013), sans laquelle les politiques publiques d’inclusion scolaire pourraient bien se résumer à un ensemble de mesures techniques destinées à prévenir les risques d’exclusion et de discrimination des jeunes dits handicapés ou en difficulté et à garantir leur accueil au sein des structures de droit commun du système éducatif (Benoit, 2016). Or plusieurs auteurs s’accordent à penser que ces politiques sont inséparables de la construction « d’un nouveau rapport à la diversité » et « renvoie(nt) à la manière (…) de penser l’appartenance sociale dans la perspective d’une société inclusive » (Ebersold, Plaisance, Zander, 2016). Non pas un objectif de politique publique sectorielle, mais le ressort essentiel d’un « mouvement inclusif », qui « lui donne à la fois sa signification et sa portée » (Gardou, 2014), susceptible de contribuer à l’architecture d’une société inclusive. Une approche éthique du sujet, composante essentielle d’une attitude éthique, indissociable d’un « prendre soin pédagogique » (Canat, 2007) et d’une « plasticité posturale psychique » (Tricas Barrio, 2018). Considérer la subjectivité, non pas comme un état donné, mais comme un processus en évolution ininterrompue, suppose l’acceptation et l’explicitation d’autres modes de fonctionnement de la « subjectivité apprenante » (Kambouchner, 2000). Un tel processus est guidé et déclenché par la rencontre avec la diversité, qui, parce qu’elle s'impose à nous, nous permet d'échapper aux régimes établis et stabilisés du sens. C’est là que se joue une rencontre avec l'altérité, qui, parce qu'elle résiste aux conceptions et aux classifications ordinaires, déstabilise l'ordre dominant et ses normes régulatrices (Queiroz et Tedesco, 2013). Il faudra pour cela être en capacité de penser les conditions de possibilité de l’appartenance, les pathologies de l’exil (Mazeran, 2019) tout en étant sur son propre sol, confisquées. Confisquées par d’autres, confisquées par une langue inaudible ou inaccessible car appartenant au monde conforme de la névrose sociale partagée (Freud, 1934).

Public cible : chercheur.e.s, formateur-trice.s, enseignant.e.s, étudiant.e.s, associatifs, parents…

 

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